Silba adipata McAlpine

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Auteur : François DROUET
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Absence d'attaques des figues pollinisées

 

 

 

Selon le plan suivant : observations de H. AFLI, étude de B. NAWADE et al., la pollinisation comme moyen de lutte, cas des figues ayant subi la touche.

 

OBSERVATIONS DE H. AFLI

 

Hassen AFLI, ingénieur agronome, a étudié en 2016 la dynamique des populations pré-imaginales de Silba adipata McAlpine dans deux biotopes de la Tunisie : Djebba (nord-ouest, altitude 404 m) et Chott Meriem (littoral centre est, altitude 22 m).

Référence : AFLI H., 2016, Dynamique des populations pré-imaginales de la mouche noire du figuier Silba adipata McAlpine (Diptera, Lonchaeidae) dans les régions de Djebba et Chott Meriem, mémoire de fin d’études, Institut Supérieur Agronomique de Chott Meriem, Tunisie.

L'auteur indique que les variétés de figuier plantées dans ces biotopes nécessitent la caprification et, qu'au cours de son étude, il a vérifié l’effet de la caprification sur les attaques de Silba adipata McAlpine.

Il a marqué 105 figues pollinisées des variètés unifères et de la deuxième récolte des variétés bifères dans les deux biotopes d’étude (70 à Djebba et 35 à Chott Meriem).
 

Marquage des figues pollinisées (étude de Silba adipata McAlpine)

Marquage des figues pollinisées (crédit : Hassen AFLI)
 

La reconnaissance des figues immatures pollinisées s'est effectuée en utilisant le paramètre de couleur, selon la méthode indiquée par Jacques VIDAUD.

Référence : VIDAUD J., BACCAUNAUD M., BAUD P., CARAGLIO Y., HONORÉ F., HUTIN C., PÊCHEUR G., ROGER J. P., 1997, Le Figuier, Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, Paris, 264 p.

Selon les indications de Jacques VIDAUD (page 55 de l'ouvrage), il existe une correspondance étroite entre la couleur de la figue d'été et son état.

Lorsque la surface extérieure de la figue est brillante et de couleur vert clair, elle correspond à des fleurs femelles vierges (absence de blastophages à l’intérieur de la figue).

Alors que lorsque la surface de la figue est mate et de couleur vert foncé, les fleurs sont pollinisées (présence de blastophages à l'intérieur de la figue).

Les figues pollinisées marquées ont été comptées au cours de visites hebdomadaires, jusqu'à l'approche de la maturité.

Et Hassen AFLI  a constaté que les figues immatures pollinisées ne sont pas attaquées par Silba adipata McAlpine.

Il a remarqué aussi pour toutes les observations effectuées au laboratoire sur les figues infestées des variétés unifères que celles-ci se caractérisent par l’absence de blastophages.

Il faut noter que cette observation conforte la précédente, mais ne lui est pas équivalente. En effet, l'auteur constate pour les variétés unifères l'absence de blastophages pour les figues attaquées, mais l'absence de blastophages peut se constater aussi dans des figues non attaquées. Il existe trois cas : présence de blastophages = figues non attaquées, absence de blastophages = figues attaquées ou figues non attaquées.

Hassen AFLI considère la caprification comme un mode de lutte contre les attaques de Silba adipata McAlpine.

En effet, toute figue non visitée par le blastophage est destinée à chuter au sol du fait de l'absence de pollinisation, qu'elle ait été attaquée ou non par Silba adipata McAlpine. Mais parmi les figues visitées par le blastophage, donc pollinisées, une partie serait attaquée par Silba adipata McAlpine et chuterait aussi au sol si la pollinisation n'empêchait pas les attaques de celle-ci.

Hassen AFLI conseille de fournir un nombre important de fruits de caprifiguier au niveau de chaque figuier domestique pour assurer la pollinisation.

 

ÉTUDE DE  B. NAWADE et al.

 

L'étude publiée en 2020 par Bhagwat NAWADE et al. montre par une expérimentation en champs, partiellement confirmée par une expérience en laboratoire, que les figues pollinisées ne sont pratiquement pas attaquées par Silba adipata McAlpine.

Selon l'interprétation des auteurs, les femelles pondeuses sont attirées par un mécanisme olfactif impliquant les composés organiques volatils émis par les figues (principalement des terpènes). D'autre part, leur expérimentation met en évidence que les composés organiques volatils sont modifiés par la pollinisation (en nature, et par une baisse d'intensité), et, selon leur interprétation, c'est cette modification qui explique que les figues pollinisées ne soient pas attaquées par Silba adipata McAlpine.

Référence : NAWADE B., SHALTIEL-HARPAZ L., YAHYAA M., KABAHA A., KEDOSHIM R., BOSAMIA T. C., IBDAH M., 2020, Characterization of terpene synthase genes potentially involved in black fig fly (Silba adipata) interactions with Ficus carica, Plant Science, vol. 298, art. 110549, 12 p.

 

OBJECTIFS ET CONDITIONS DE L'ÉTUDE

Dans cette étude, les auteurs ont étudié l'incidence de la pollinisation des figues d'une variété parthénocarpique sur les attaques de Silba adipata McAlpine, l'émission de composés volatils pendant le développement des figues, et ont procédé à la caractérisation des terpènes synthases qui bio-synthétisent les terpènes volatils chez l'espèce Ficus carica L.

De façon préliminaire, les auteurs font remarquer que les variétés qui produisent leur fruits de façon parthénocarpique (figuiers de type commun) peuvent être pollinisées tout autant que les variétés qui requièrent la pollinisation pour mener à terme le développement de leurs fruits (figuiers unifères de type Smyrne, ou  figuiers bifères de type San Pedro pour leur deuxième récolte uniquement). Ils précisent que la pollinisation de figues de variétés parthénocarpiques améliore la qualité des fruits (taille, couleur, saveur, conservation).

Les auteurs rappellent que les composés organiques volatils servent d'indices chimiques pour les insectes pour reconnaître et localiser les ressources vitales (nourriture, partenaires d'accouplement, ennemis), et que les terpènes en constituent la classe la plus importante.

Les auteurs ont pris pour hypothèse que Silba adipata McAlpine est attirée par les mêmes éléments volatils que ceux qui régissent la communication entre la figue et le blastophage.

Le champ d'expérimentation a été un verger de figuiers de la variété bifère 'Brown Turkey', situé à Machanaim (Israël). Cette variété produit des fruits pollinisés et non pollinisés (parthénocarpiques). Le verger a été maintenu hors traitements pesticides pour permettre l'activité naturelle de Silba adipata McAlpine et du Blastophage (responsable de la pollinisation).

Les expérimentateurs ont marqué 109 figues d'un diamètre d'environ 13 mm, sur 3 figuiers choisis au hasard. 9 figues ont été récoltées pour constituer un groupe témoin zéro, 50 figues ont été ensachées pour être protégées de la pollinisation par le blastophage, et 50 figues ont été pollinisées manuellement avec un mélange de pollen.

 

ÉTUDE DE L'INCIDENCE DE LA POLLINISATION DES FIGUES

Pour évaluer l'effet de la pollinisation sur les attaques de Silba adipata McAlpine, deux expérimentations ont été menées.
 

Expérimentation 1.

15 figues attaquées venant juste de commencer à rougir ont été récoltées au hasard chaque semaine de mai à août.

Elles ont été examinées au stéréomicroscope, au niveau des écaille ostiolaires (à la recherche d'œufs) et de la cavité centrale après ouverture (pour déterminer si les graines abritaient des embryons matures, signes d'une pollinisation).

Sur les 235 figues récoltées, 183 avaient été naturellement pollinisées et 52 n'étaient pas pollinisées. Parmi les figues pollinisées, seulement 0,55 % avaient été attaquées par Silba adipata McAlpine, contre 59, 62 % pour les figues non pollinisées. Ces résultats indiquent que les figues pollinisées ne sont pratiquement pas attaquées par Silba adipata McAlpine.

 

Expérimentation 2.

10 figues de chacun des lots (figues pollinisées et figues non pollinisées) ont été récoltées cinq semaines après la pollinisation, et transférées au laboratoire dans un container réfrigéré pour des tests olfactométriques de choix du fruit par la femelle pondeuse.

Un élevage de mouches a été établi à partir de centaines de figues attaquées par Silba adipata McAlpine. Chaque jour, les femelles et les mâles qui émergeaient des pupes ont été collectés et placés dans une cage différente, avec accès à une solution alimentaire de figues mûres écrasées dans de l'eau sucrée pour assurer l'accouplement. Trois jours plus tard, les femelles ont été utilisées pour les essais de choix des fruits.

La préférence de Silba adipata McAlpine entre les fruits non pollinisés et les fruits pollinisés récoltés 5 semaines près la pollinisation  a été déterminée avec un olfactomètre constitué d'un tube de verre en forme de Y (2 cm de diamètre, base de 9 cm,  deux bras de 16 cm). Chaque bras étant attaché à un débitmètre et à une sphère de verre (12 cm de diamètre) contenant les figues de test. De l'air filtré au charbon de bois (6 PSI) a été forcé à travers chaque bras de l'appareil.

38 tests successifs ont été réalisés, chacun limité à 10 minutes et impliquant une mouche femelle différente accouplée et âgée de 3 jours. Celle-ci placée dans le tube de base de l'olfactomètre et autorisée à se déplacer contre le courant d'air vers l'un des deux bras de l'appareil. L'emplacement de chaque mouche était enregistré après chaque test. Pour compenser tout biais de position, l'olfactomètre a été tourné de 180° tous les cinq tests. Et pour éviter la contamination par les composés volatils restants de mouches ou de figues, l'olfactomètre a été lavé après chaque série de 10 tests avec de l'éthanol (70 %), puis séché, et les figues ont été remplacées avant chaque nouvelle série.

Les résultats des tests montrent que, 67,6 % des mouches ont choisi les figues non pollinisées, alors que seulement 32,4 % ont choisi les figues pollinisées.

Selon l'interprétation des auteurs, ces résultats indiquent que les figues non pollinisées sont attractives pour Silba adipata McAlpine, et que la pollinisation modifie les composés organiques volatils du fruit, les rendant moins attractives, et les protégeant donc mieux contre les attaques du ravageur.

 

COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS ÉMIS PAR LES FIGUES

Pour identifier les différences de production de composés organiques volatils entre les figues pollinisées et les figues non pollinisées, 3 fruits de chacun des deux lots (pollinisés et non pollinisés) ont été récoltés une semaine après la pollinisation. Puis des fruits ont été récoltés chaque semaine, jusqu'à ce que les fruits soient mûrs.

A chaque récolte, les fruits ont été immédiatement transférés dans de l'azote liquide, puis broyés en une poudre fine dont 1 g a été utilisé pour l'analyse des composés organiques volatils et le reste stocké à -80 pour l'isolement de l'ARN.

Les profils des composés volatils des figues ont été déterminés par une analyse SPME-GC-MS (microextraction en phase solide suivie d'une chromatographie en phase gazeuse- spectrométrie de masse).

Il s'agit principalement de composés volatils dérivés d'acides gras, monoterpènes, sesquiterpènes et phénylpropanoïdes.

Le benzaldéhyde était le phénylpropène volatil le plus abondant. Les principaux monoterpènes étaient le géranial, le linalol, le pyranoxyde de cis-linalol et le β-citral. Les concentrations de sesquiterpènes étaient également significatives.

 

INCIDENCE DE LA POLLINISATION SUR LES COMPOSÉS ORGANIQUES VOLATILS

Les émissions de la plupart des composés volatils ont été réduites dans les figues pollinisées pendant toutes les périodes d'échantillonnage, par rapport aux figues non pollinisées.

Des différences significatives dans la plupart des composés organiques volatils émis ont été observées entre les figues non pollinisées et pollinisées, et entre les figues récoltées à différents moments.

Certains composés volatils sont caractéristiques des fruits non pollinisés, alors que d'autres n'ont été détectés que dans les fruits pollinisés.

Selon les auteurs, la dynamique de variation des mélanges volatils trouvés dans les deux types de figues tout au long du développement du fruit indique une importante pertinence fonctionnelle des composés organiques volatils, en dehors de l'attraction des pollinisateurs.

Les figues non pollinisées et pollinisées récoltées cinq semaines après la pollinisation, qui ont servi dans les tests olfactométriques, présentent des différences significatives dans leurs mélanges volatils, par lesquels la mouche noire des figues peut être en mesure de les distinguer (le mélange volatil des fruits pollinisés étant moins attractif pour celle-ci).

L'analyse GC-MS a confirmé la présence à ce stade des composés volatils terpinène-4-ol, α-terpinéol, δ-élémène, β-damascénone et néoclovène uniquement dans les fruits non pollinisés ; ils pourraient jouer un rôle attractif. Alors qu'en même temps, les composés volatils γ-cadinène et androencecalinol se sont avérés spécifiques aux figues pollinisées, et pourraient être des répulsifs.

 

CARACTÉRISATION DES TERPÈNES SYNTHASES CHEZ FICUS CARICA L.

Les auteurs font le compte rendu de l'identification basée sur le transcriptome et de la caractérisation fonctionnelle d'une famille de gènes de la terpène synthase (TPS) chez Ficus carica L. Ils ont réussi à isoler huit régions codantes FcTPS complètes. Ces gènes ont été nommés FcTPS1 à FcTPS8.

L'expression protéique dans Escherichia coli des huit terpènes synthases a permis de distinguer : trois monoterpènes synthases appartenant au clade TPS-b  (FcTPS6 catalysant la formation de 1,8-cinéole, et deux autres convertissant le GPP en linalol) ; quatre sesquiterpènes synthases du clade TPS-a, catalysant la formation de germacrène D (FcTPS1), E-β-caryophyllène (FcTPS2), cadinène (FcTPS3) et δ-élémène (FcTPS5) ; une sesquiterpène synthase du clade TPS-b (FcTPS4  montrant une activité de nérolidol synthase).

La plupart des produits enzymatiques correspondaient étroitement aux terpènes volatils émis par les figues, et tous les gènes ont été exprimés au cours du développement des fruits.

 

LA POLLINISATION COMME MOYEN DE LUTTE

 

Hassen AFLI, dont les observations sur des variétés de figues nécessitant  la caprification sont rapportées au premier sous-chapitre, considère la caprification comme un mode de lutte contre les attaques de Silba adipata McAlpine.

Et les résultats des expérimentations de Bhagwat NAWADE et al., obtenus avec des figues de la variété parthénocarpique 'Brown Turkey', suggèrent que pour les variétés de ce type également la pollinisation pourrait être utilisée comme moyen de lutte.

L'utilisation de la pollinisation des figues (naturelle ou par caprification), étendue aux variétés parthénocarpiques, et même aux figues fleurs (pollinisation artificielle), fait l'objet d'un chapitre spécifique au sein de la rubrique relative aux moyens de lutte.

 

CAS DES FIGUES AYANT SUBI LA TOUCHE

 

Je rattache au présent chapitre l'incidence de la touche de la figue sur les attaques de Silba adipata McAlpine, dont l'exposé est trop court pour constituer un chapitre spécifique.

La touche de la figue est l'opération qui consiste à déposer avec une pointe, par exemple celle d'une plume, une goutte d'huile dans l'ostiole des figues proches de la maturité, mais pas encore mûres, pour en hâter de quelques jours la maturité.

F. SILVESTRI a constaté dans la province de Naples que les figues ayant subi la touche ne sont pas attaquées par Silba adipata McAlpine. Il précise que l'opération se pratique en août dans la région de Naples.

Référence : SILVESTRI F., 1917, Sulla Lonchaea aristella Beck. (Diptera : Lonchaeidae) dannosa alle infiorescenze e fruttescenze del caprifico e del fico, Bollettino del Laboratorio di Zoologia Agraria in Portici, vol.12, pp. 123 -146.

F. SILVESTRI considère donc qu'il s'agit d'un moyen de lutte indirect et involontaire contre la mouche noire du Figuier.

Cependant, il fait remarquer que cette pratique n'est pas encouragée par les producteurs de figues car elle donne des fruits mûrs de moindre qualité et plus sensibles aux altérations. Il ajoute qu'elle ne pourrait pas être utilisée sur les petites figues immatures car elle les ferait rapidement tomber.

Cette observation de F. SILVESTRI, que je trouve très intéressante au plan de l'observation des moeurs de Silba adipata McAlpine, me paraît cependant n'avoir qu'une portée pratique très limitée, voire nulle, pour la lutte contre celle-ci.

En effet, la touche de la figue ne se pratique que sur des figues qui ont commencé à mollir et à virer vers la couleur de maturité et, à ce stade, les figues ne sont plus attaquées par Silba adipata McAlpine (voir chapitre "Absence d'attaques des figues mûres ").

 

 

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